Inspiration internationale : le système médico-soignant japonais
Articles 09.04.2025
Porter un regard curieux, humble et bienveillant sur les cultures et modes de vie qui nous entourent. Comprendre comment d’autres populations se structurent et font face à l’évolution de la société, notamment en matière de soins et dans la prise en charge de leurs aîné·es. Tels ont été quelques-uns des objectifs de la Mission d’étude1 à laquelle Olivier Cochereau, directeur général du groupe Butini, a participé du 8 au 14 mars dernier.
La situation démographique du pays
Le Japon présente un déclin démographique important. Avec 124 millions de personnes en 2022 et une espérance de vie moyenne de 84,6 ans, l’archipel ne comptera plus que 85 millions d’habitant·es d’ici 2050. Le taux de natalité baisse considérablement, le nombre de seniors croît et l’insularité complexifie l’ouverture du pays. Cette évolution génère des répercussions sur l’ensemble de la communauté.
Les familles doivent réenvisager leur manière de vivre pour prendre soin de leurs aîné·es, souvent au détriment de leur activité professionnelle. Au-delà de leur âge avancé, les seniors présentent fréquemment des pathologies cognitives nécessitant une prise en charge spécifique (en 2025, un·e japonais·e de plus de 65 ans sur cinq est atteint·e de la maladie d’Alzheimer).
Le système de santé du pays est mis en difficulté. Il doit être repensé afin de s’adapter au changement pour absorber la hausse du nombre de personnes âgées. Disposer de suffisamment de lieux d’accueil et de professionnel·les de santé sont désormais des défis majeurs. Dès les années 2000, le Japon a pris conscience de l’enjeu du vieillissement de sa population et de la diminution de la main-d’œuvre pour gérer cet accroissement. Le pays s’y est globalement préparé. Les autorités ont notamment instauré une assurance pour la prise en charge des seniors. L’ASLD (Assurance Longue Durée Obligatoire) permet de financer l’accompagnement des personnes dépendantes, en soutenant les familles et en réduisant les hospitalisations, qui étaient jusqu’à cette époque l’unique recours de placement.
Etat des lieux de l’offre d’accueil pour seniors
Aujourd’hui, les personnes âgées et leurs proches disposent d’un large choix de structures différenciées qu’ils sélectionnent, selon leur niveau de dépendance, leurs attentes et leurs ressources. Le marché est réparti entre le secteur privé et les entités publiques. Dans le domaine privé, l’offre est relativement étendue.
– Des établissements d’hébergement fournissent des soins infirmiers, dans le cadre de la prise en charge ASLD.
– Des résidences seniors sont adaptées aux personnes indépendantes. Ces dernières peuvent également nécessiter des soins à domicile, la livraison de repas ou tout autre forme de soutien.
– Des hébergements de groupe sont pensés pour les personnes de plus de 65 ans qui souffrent de démence. 5 à 9 personnes maximum partagent un logement commun et leur quotidien, en recevant des soins adaptés à leur état. Maintenir un rythme et des activités, dans un environnement semblable au modèle familial, permet de soutenir leur indépendance et retarder la progression de leurs pathologies.
– Des centres d’appui aux soins à domicile. Le système de soins à domicile est géré par le gouvernement Japonais. Il propose des soins infirmiers, soins personnels, livraison de repas, médicaments…
– Des centres de service de jour pour les personnes vivant à domicile. Elles y viennent sur un temps donné durant la journée, pour recevoir des soins infirmiers ou un accompagnement pour le repas, la toilette ou la rééducation. Ces structures sont un soutien quotidien précieux pour les proches-aidant·es.
– Des accueils de jour : service identique aux centres de service de jour, à la seule différence que leur prise en charge est effectuée par l’assurance dépendance. L’objectif premier de ces lieux est de fournir un service de réadaptation pour la récupération fonctionnelle et non de dispenser des soins infirmiers.
– Des centres de soins intégrés au cœur des quartiers résidentiels. Les seniors y vivant souhaitent maintenir leur niveau d’engagement dans la vie communautaire, tout en bénéficiant de soins ou de services adaptés.
Le secteur public est plus restreint dans son offre d’accompagnement des seniors :
– Des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes : ces lieux proposent des soins infirmiers et des services à la personne. Un niveau d’autonomie suffisant est souvent requis pour intégrer ce type de structures car le personnel infirmier n’est parfois pas présent la nuit.
– Des centres de soins post-aigus pour les personnes âgées qui interviennent généralement entre une hospitalisation et un retour à domicile.
– Des établissements de soins de longue durée proposant un accompagnement complet en soins, rééducation et soutien à la personne.
Le vieillissement de la population, au cœur de la société japonaise
Dans d’autres domaines, des actions et mesures préventives ont aussi été engagées. La politique migratoire s’est ouverte en direction du Vietnam, des Philippines ou encore de l’Indonésie. Attirer plus de professionnel·les de la santé est crucial. Les entreprises investissent énormément dans la prévention pour préserver la santé de leurs employé·es. Mieux prendre soin de la main-d’œuvre permet de maintenir une communauté active plus longtemps, avec l’âge légal de la retraite qui a été inévitablement repoussé. Considérant l’ensemble des actions menées par ce pays, il faut garder à l’esprit les caractéristiques inhérentes à la culture japonaise. Elle repose sur des principes de lien, de solidarité et de vie en collectivité, avec une place centrale pour la personne âgée. L’individualité n’est pas la norme, la priorité est donnée à la communauté.
La plupart des familles ou des structures accueillant les seniors prônent des valeurs communes et fonctionnent sur des fondements identiques : l’intergénération, l’entraide, le bien-vivre ensemble, dans le respect et la bienveillance.
Au-delà de ses valeurs humaines et philosophiques, le Japon laisse également entrevoir des perspectives innovantes dans l’amélioration de la prise en charge des seniors. Que cela soit dans le domaine de la technologie robotique, qui permet de palier à la perte d’autonomie et surtout au manque de professionnel·les ou encore dans le domaine architectural : des EMS se fondent entièrement dans les quartiers d’habitation ou certaines constructions sont établies dans un environnement naturel immersif, qui accroît le bien-être de ses habitant·es. De quoi inspirer les pays européens et la Suisse, qui devront très prochainement faire face aux mêmes enjeux démographiques et évolutions sociétales que le Pays du Soleil Levant.








- Voyage organisé par DialogHealth ↩︎